The Divine Comedy - A Short Album About Love (6/10)

Publié le par Vinczc

L'oeuvre faisant suite au célèbre Casanova sort en 1997, c'est un mini-album au nom particulièrement évocateur : A Short Album About Love.

Difficile de considérer ASAAL (son petit nom) comme une sortie mineure. Ce n'est pas un Casanova-bis. C'est encore autre chose, une suite de sept chansons d'amour, une autre atmosphère, une autre visée musicale.

ASAAL est pourtant une "continuité logique" de l'instrumentation et du style choisis par Casanova : un orchestre encore plus présent, une dimension toujours plus grandiloquente...

Seulement, je n'ai personnellement pas eu du tout la même approche avec les deux albums. On avance dans ce dernier comme dans un terrain moins escarpé, plus familier. Les compositions ne sont pas moins réussies mais plus directes, plus simples à l'oreille, elles parlent plus à la majorité des auditeurs. En construisant cette série de morceaux (dont certains étaient en fait assez vieux), Neil Hannon touche à cette homogénéité d'une pop tellement parfaite et évidente qu'elle séduit immédiatement.

Mais ce serait une erreur de voir ASAAL comme une version "light" et moins aboutie de The Divine Comedy.
La preuve en est de ces textes, où l'amour n'a pas tout à fait le rôle qu'on attend. L'amour donne lieu à de belles métaphores, à des représentations assez acrobatiques d'une relation, et n'est pas parfait, comme le laissent suggérer quelques outros surprenantes.

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In Pursuit Of Happiness, titre le plus connu de TDC ? C'est fou comme la pub a le pouvoir d'immortaliser des musiques... J'exagère un peu, vous l'avez sûrement déjà oublié, la pub télévisée en question date de 1998, était de Groupama, et elle n'est pas passée fort longtemps. Cependant, on peut espérer que comme moi vous avez été frappé par cette voix et cette petite chevauchée entraînante, montant en puissance, en trois phases presque identiques mais de plus en plus fortes, aïgues, et surtout enjouées.
Le tempo est rapide, et ce que vous ne savez pas c'est qu'alors que Neil a fini de chanter, le morceau n'excède pas deux minutes, et laisse la place à un passage instrumental sans aucune baisse de régime, ce qui en fait le titre le plus haletant jamais conçu par le bonhomme.
Repassez-le-vous, si vous ne vous exclamez pas "AAHHH OUUUUIIII, C'EST ÇAAA", au mieux vous tomberez sous le charme d'une des meilleures entrées en matière pour un disque !
(Notons au passage la première conclusion un tant soi peu déroutante au niveau des paroles.)

Nettement plus calme (mais ça ne saurait durer...), Everybody Knows (Except You) est un titre emblèmatique je crois, par son statut de single, son message original ("tout le monde sait que je t'aime... sauf toi"), et son clip très amusant, kitsch à souhait, un régal de second degré.
La chanson en elle-même est ce que je catégoriserais comme classique mais efficace. Accrocheuse, simple, pas extraordinaire mais qu'on ne peut s'empêcher de chantonner dans la journée.

Someone. Autre registre. A l'instar de "Our Mutual Friend" plus tard, c'est un exercice de style hautement épique, long, pouvant donner lieu à des versions à rallonge, magistrales.
Grave et posé, Neil chante lentement, tout en finesse, mais au bout de deux refrains, la machine s'emballe, et Neil laisse la place à ce qu'on aurait pu attendre dès le début : une explosion de cuivres, de violons et de guitare électrique. La puissance délivrée est violente et, génie du morceau, peut durer. Inconstetablement un morceau fort, et le plus tonitruant de toute la carrière de TDC. Même comparé à Fin de Siècle, c'est dire.

If... (avec les trois points de suspension). Quelle oeuvre. If... car Neil, en tant qu'amoureux transi, se met à s'imaginer des situations, mettre des "si", à aimer sa tendre en tant qu'arbre, animal, soeur... Le morceau au début peut sembler banal, mais en fait on s'aperçoit de la formidable construction et cohérence entre paroles et musique.
Neil ne fait pas que chanter, il vagabonde, il divague. La représentation d'une route est d'abord simple, celle d'un arbre, tendre mais insistante, puis celle d'un cheval donne lieu à un magnifique pont imageant parfaitement ce rêve naturellement beau et très fantasmé. Car c'est bien de fantasme dont il s'agit ici, et la conclusion complètement hallucinante montre un amoureux devenir progressivement de plus en plus dément. Jusqu'à ce point final abrupt, refermant avec violence le morceau.
Il faut écouter If... pour comprendre le génie de l'entreprise.

Plus classique, mais pas médiocre, If I Were You (I'd Be Through With Me) (encore un nom alléchant !) assure avec classe la transition, grâce à sa douceur absolue, un son de piano léger, une mélodie évasive qui sait se montrer forte. Encore une chanson de crooner éminemment réussie.

Timewatching, le retour. Oui, c'est la même musique que dans Liberation, la même interprétation, mais plus raffinée et surtout plus lente. La sophistication a été multipliée, la mélodie est encore plus volupteuse et immatérielle. Sinon, rien à dire, c'est toujours une composition de grande qualité !

I'm All You Need sert de conclusion. C'est un morceau incroyablement répétitif (les paroles sont les mêmes d'un couplet et d'un refrain à l'autre), si ce n'est qu'il monte en puissance au fil de la musique. C'est encore du classique, encore de l'efficace, à la différence que la conclusion est nettement plus lente... Une vraie outro d'album, qui s'échappe dans le temps, et s'atténue au fur et à mesure sur de très belles cordes.

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Que retenir de cette parenthèse ? Déjà, un débat : ASAAL est-il une parenthèse ?
Beaucoup pensent qu'il s'agit d'un album à part entière, et il apparaît toujours dans la discographie en tant que tel.

Le son de cet "album court sur le thème de l'amour" est unique. C'est une collection de chansons relativement accessibles, qui n'oublient pas d'être subtiles et intelligentes, rompant avec son prédécesseur et son successeur (Fin de Siècle), aux mélodies plus complexes, et à la richesse et la variété de tons plus nombreuses.
Très personnellement je ne cacherai pas que ASAAL est loin d'être mon album préféré, car pas assez complet.

On peut quand même rapprocher ce travail d'une constante de l'époque : une tonalité orchestrale, une production léchée, un Neil théâtral, une emphase non dissimulée. Cela dit, Neil Hannon a la capacité de ne jamais produire de simples albums de mégalomane, et offre plus de subtilité qu'il n'y paraît.

En définitive, A Short Album About Love est une pierre comme les autres qui ont bâti le parcours de The Divine Comedy dans cette période
de la seconde moitié des 90's, aisément reconnaissable pour ce groupe.
Et comme d'habitude, la qualité de composition est très bonne.
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